pauvreté en France

 

                                                 Un article des  DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE   du 31 août 2011

                                                                   sur la pauvreté en France

Olivier Picard

Dignité nationale

Ce sont des statistiques qui résonnent chaque année comme un cri dans l’actualité. Elles suscitent toujours une forte émotion parmi les Français: ils découvrent avec incrédulité que 13,5 % d’entre eux sont pauvres. Peinent à croire que 8,7 millions de personnes sont obligées de vivre avec moins de 954 euros par mois ! Un autre monde, si étranger au tintamarre politique même quand il prétend faire du bruit en leur nom. On la perçoit bien cette distance immense entre les discours pontifiants sur la crise et le réel quand on entend les témoignages, presque effarants de calme et de lucidité, de ces hommes et de ces femmes racontant dans une langue précise et factuelle leurs quotidiens de galère. Les récits des parcours qui les ont jetés, en quelques semaines, dans la précarité sont si ordinaires. Des descentes aux enfers qui peuvent attendre chacun d’entre nous au détour d’un divorce mal géré, d’un handicap imposé par un accident, d’une perte d’emploi brutale ou simplement d’un surendettement écrasant, même quand on est salarié...

La situation est effectivement pire qu’annoncée puisque les chiffres de l’Insee ne concernent que l’année... 2009. Alors on tremble, évidemment, pour 2011, avec son paysage économique encore plus dégradé, et la remontée inexorable du chômage. Ah, c’est la crise, ma pauvre dame... Mais si la crise est peut-être une explication, elle ne peut être une excuse dans un pays aussi développé que la France. Elle n’exonère pas Nicolas Sarkozy de sa promesse de réduire la pauvreté d’un tiers pendant la durée de son quinquennat comme il s’y était engagé avec superbe le soir de son élection. S’il y a un cap qui devait être tenu coûte que coûte, contre les vents et les marées des tempêtes financières, boursières ou diplomatiques, c’était bien celui-là, et il ne l’a pas été. C’est grave. Un avertissement à tous les apprentis sauveurs de cette présidentielle de 2012...

Aujourd’hui, dans un pays soumis à l’impératif de réduire sa dette, les pauvres sont déjà des cibles. Avec des mutuelles taxées, la «bonne» santé sera de plus en plus réservée aux riches. Les coûteuses «dépenses sociales», elles, sont pointées du doigt, notamment par le Medef, quand ce n’est pas un ministre - Laurent Wauquiez - qui il y a quelques mois soupçonnait ouvertement les bénéficiaires du RSA de bénéficier d’un avantage indu! Une honte - oui, une honte - pour ce responsable politique se réclamant d’un courant de pensée humaniste, vite remis à sa place - au nom de la cohésion de la société - par sa collègue Roselyne Bachelot... mais promu dans le remaniement suivant.

C’est mal parti, donc. Au moment où il cherche à récupérer 11 milliards, le gouvernement saura-t-il être assez imaginatif pour réduire la dette du pays sans tailler dans les crédits de solidarité? Ce ne serait pas de la charité, mais de la lucidité. Une question de dignité nationale.

Olivier Picard