Patrons menacés de perdre leur permis
LE MIDI LIBRE 07/09/2011
Hérault Ces patrons menacés de perdre leur permis
"Une situation kafkaïenne", s’alarme Henri Foulquier, dirigeant de la société Géoxia, dans l’Hérault. Ce gérant pourrait en effet se voir retirer son permis de conduire alors qu’il n’a commis aucune infraction au Code de la route. En cause : les infractions commises depuis deux ans par ses employés.
"Je me retrouve avec un solde de points probablement négatif, déplore Henri Foulquier. J’ai reçu une dizaine de convocations au tribunal de police. La première il y a trois mois et la dernière lundi matin. Je me demande quand cela va s’arrêter". En principe, le dirigeant d’entreprise est responsable pécuniairement. Car, responsable légal, il est titulaire de la carte grise. De 35 cartes grises - hors véhicules personnels - dans le cas d’Henri Foulquier ! En effet, sa société possède une flotte de 35 véhicules qui circulent entre treize bureaux dans la région.
À la suite d’une décision de la Cour de cassation du 15 septembre 2010, entérinée en mai 2011, "le chef d’entreprise n’a plus que deux possibilités, explique Rémy Josseaume, docteur en droit pénal, qui fait partie de la commission juridique de l’association 40 millions d’automobilistes. Soit il pratique la délation et donne le nom du conducteur, soit il paie au nom de la société et cela peut être considéré comme une reconnaissance de l’infraction." C’est la situation d’Henri Foulquier, qui va devoir comparaître pour prouver qu’il n’est pas l’auteur de l’infraction.
"Du côté du Medef, l’inquiétude grandit"
Henri Foulquier
Cette interprétation stricte de la loi s’inscrit dans la logique nationale de répression des infractions routières.
La situation s’est déjà produite avant 2010. Du côté de l’Automobile club de Marseille, on évoque le cas du PDG d’une grosse entreprise des Bouches-du-Rhône, dont le permis a été annulé en 2009. Dans bien des entreprises, on n’est pas vraiment au courant de cette nouvelle application de la loi. Ainsi, dans cette PME qui compte une dizaine de véhicules, "on paie mais on ne fait rien d’autre. D’ailleurs, les utilisations des véhicules ne sont pas consignées." Mais à la suite de la mise en application de l’arrêt de septembre, la situation semble s’étendre. Dans la région au moins.
"Au début, on se moquait de moi, mais du côté du Medef, l’inquiétude grandit", note Henri Foulquier. Maître Jean-François Reynaud, avocat spécialiste en droit routier à Montpellier, confie être en charge d’"une grosse dizaine" de dossiers similaires. "Le problème, c’est que la délation est bien plus simple pour un dirigeant. Sinon il prend le risque d’une procédure lourde et complexe". En effet, Henri Foulquier a décidé de changer la politique de sa boîte. "J’ai réuni mes collaborateurs pour leur annoncer qu’on allait mettre en place des carnets de bord dans toutes les voitures."